C.P.E. - Des jeunes contre

14 mars 2006 18h13
Boulevard Saint-Michel en face de la Sorbonne

C.P.E. : Contrat Première Embauche. Deux années d'essai, pour être viré sans motif, sans raison, sans préavis...
C.P.E. : Cherche Pigeon à Exploiter - Couillonné Par l'Etat - Contrat Pour l'Enfer - Contrat Pour Esclave - Comment Punir les Enfants.

...

En remontant le boulevard, il y a comme un silence, un vide. Plus rien ne vient d'en haut.
Les premiers flics. Isolant la zone. Nerveux.
Au loin, une ligne de manifestants barre le boulevard.

un tas de flics
à côté d'une poubelle
attente

Très vite, un mur de véhicules bleus apparait, venant du Boulevard Saint-Germain. Il remonte lentement le boulevard, repoussant des jeunes qui les huent. Le fond de la nasse.

les flics barrent la rue
les jeunes barrent la rue, entre eux
l'espace vide
gyrophares bleus
drapeaux noirs
feux rouges

Les passants regardent, attendent. Toutes les rues adjacentes sont encombrées de policiers anti-émeute. Les chiens du pouvoir.

en noir
les CRS attendent
la tombée de la nuit

En arrivant à hauteur de la Sorbonne, une lègère fumée blanche sort de la place adjacente. Une odeur de poivre qui serre la gorge. Les cris. Des jeunes qui se sauvent. C'est maintenant un nuage plus dense, qu'il me faut traverser. Les mouchoirs sur les yeux, les colyres, les jeunes qui pleurent.
Puis brusquement, mes larmes.

odeur de poivre
subitement
mes larmes

La nuit tombe.

dans le noir
mes yeux rouges
de lacrymogènes

La foule remonte le boulevard. Je m'arrête à hauteur du Luxembourg.

sur le boulevard
toujours rester du côté
gauche

Les flics sont partout. La foule s'est arrêtée. Des jeunes dans leurs mouchoirs, des vieux, des gens "normaux" rentrant du travail. Tout le monde attend, regarde, soutient, commente. Les jeunes redescendent. En bas, vers la Sorbonne, clameurs, tambours, explosions.

Du Luxembourg descend maintenant une colonne de CRS. Une quarantaine, longue file d'hommes casqués, bottés, avec boucliers, serrés par deux. Elle progresse. Un millepatte noir qui traverse le boulevard, puis longe les façades pour se poster en attente au coin d'une petite rue.

flics et badauds
immobiles attendent
seuls les jeunes bougent

Je redescends. Pour voir. Je me poste avant le groupe de CRS toujours au coin de la rue. Juste au bord de la nasse. A 100 mètres de là, les jeunes s'agitent, fluent et refluent au rythme des CRS, des grenades. Seuls quelques-uns résistent au milieu des gaz.

grimpés sur la statue
les jeunes défient
les flics à pied

Soudain, les CRS traversent le boulevard précédés de lacrymogènes pour former un mur qui ferme la nasse. Tout le monde fuit. Après la première panique, je décide de marcher, d'écrire mes haïku. A ce moment, ma liberté à moi, c'est de marcher et de ne pas courir comme les autres.
Quoiqu'il m'arrive.

charge de flics
soudain le boulevard
trop petit

Discussion au coin du Luxembourg. Des jeunes fouillent les poubelles en quête de projectiles. Des vieux comme moi, trouvent les jeunes un peu mous. J'écris. Reportage. Ecriture informe brouillée de larmes.

lui et moi parlons
au coin de la rue
les flics attendent
grippe aviaire
des poulets enfermés
dans leurs cars

Un long convoi de véhicules quitte le Luxembourg. Sirènes hurlantes et gyrophares. Il tourne pour descendre le Boulevard. Traverser devant eux pour les obliger à s'arrêter. Juste pour le plaisir de l'affrontement.

convoi de CRS
une soudaine envie
de cracher
...
lendemain de manif...
un drôle de goût
au fond de la gorge
...

>>>>16 mars 2006