Je suis la dignité d’un peuple colonisé, opprimé, spolié, assassiné en silence, et j’ai un rêve Je suis la terre volée, déchirée, vampirisée, et j’ai un rêve Je suis la voix de la résistance et de la clairvoyance, et j’ai un rêve Je suis la mémoire et les paroles vives de la Palestine, et j’ai un rêve Je suis les droits inaliénables d'un peuple occupé, et j’ai un rêve J’habite un peuple digne et débout, et j’ai un rêve Je suis l’amour de la terre et la lutte pour la survie, et j’ai un rêve Je suis le pouvoir des mots qui dépasse l’impossibilité d’agir, et j’ai un rêve Je suis un palestinien qui sait braver son destin et j’ai un rêve Je suis un palestinien qui hait la haine et j’ai un rêve Je suis la douleur endurée dans la constance de l’espoir, et j’ai un rêve Je suis la persévérance d’une population Qui vit un insoutenable pérenne et j’ai un rêve Je suis la ténacité d’un peuple phare, Un peuple dont le monde libre se détourne et j’ai un rêve Je suis la noblesse d’une cause de justice, et j’ai un rêve Je suis le citoyen qui a subi toute une histoire lourde et noire, et j’ai un rêve. Je suis la justice qui ne pourra être étouffée indéfiniment, et j’ai un rêve. Je suis l’humanité préservée dans l’adversité et le combat, et j’ai un rêve. Avec force, énergie, foi, et grandeur d’âme, j’annonce ce rêve. Avec beauté, fierté et espérance, j’exprime ce rêve. D’une parole brillante et respectueuse, je révèle ce rêve. De ma terre tolérante de patience et de fraternité, je dis ce rêve. Sur la colline des oliviers, je clame ce rêve. Sur les feuilles du printemps, avec le sang qui rougit nos visages, j’écris ce rêve. Alors que le monde est en cage et muselé, sourd et muet, je dévoile mon rêve. Avec les mots qui traduisent l’espoir et traversent les murs, Avec ma poésie, cette arme de paix, je crie mon rêve. Ma poésie affirme la primauté et l’universalité de l’humain C'est une poésie d’une force sans pareille Elle se moque des frontières Car ils ne peuvent la bâillonner et entretenir la résignation. Oui, avec ma poésie, je raconte ce rêve. Même si la paix est inéluctable, je dis mon rêve Même si l’ignoble est toujours au bout de l’injustice, je décris mon rêve Même si l’actualité est brûlante, confuse et irrationnelle, j’exprime mon rêve De ma prison à ciel ouvert, je parle de mon rêve Avec des mots intenses magnifiés par les combats, voilà mon rêve. Mon rêve est lucide et transparent. Mon rêve est bâti avec patience et humilité. Mon rêve est l’ultime espoir face aux bourreaux. Mon rêve renversera les montagnes et traversera le fleuve des années. Mon rêve dénoncera la sordide et honteuse attitude de l’occupant. Mon rêve dépassera le sentiment d’impuissance et d’absurdité. Mon rêve pressent les premières fraîcheurs annonciatrices de notre liberté. Mon rêve est plus humain que mes geôliers et leurs complices. Mon rêve sort des ultimes larmes de notre cœur. Mon rêve s’inscrit dans la pensée universelle. Mon rêve luit comme une paume laborieuse. Mon rêve remplit le cœur des opprimés d’une grande joie. Mon rêve est beau comme l’odeur généreuse du café de nos mères Et le thé vert, fleuri et délicieux de nos grand-mères. Mon rêve se fait assassiner tous les jours, sans décence. Mon rêve souffre pour parvenir à un droit, juste un droit. Mon rêve est impossible à briser, à faire taire Car c’est le rêve noble d’un enfant palestinien innocent. Mon rêve pacifiste ensemence les cœurs. Mon rêve résiste comme notre branche d’olivier, symbole de paix Que l’occupant veut déraciner, étouffer et anéantir. Mon rêve maintient la flamme de la vie et ne cache pas ses espérances. A ce rêve, coloré du drapeau palestinien, Ma détermination donnera plus de résonance. Je voudrais réaliser ce rêve Malgré les fous et leurs taupes qui cherchent à le briser. Il est proclamé haut et fort Malgré le vice israélien parvenu à son paroxysme Et inspiré par un sentiment exacerbé de toute puissance, Malgré cette arrogance à vouloir l'écraser. Ce rêve est chanté par un poème qui ne sera jamais inachevé Car une plume affûtée écrit ses mots. Le rêve que je vous annonce les yeux embués s’approche Ce rêve qui résiste aux oppresseurs, le voici : Ne pas devenir un cadavre, Ne pas mourir dans une geôle israélienne, Ce rêve est que ma terre soit cultivée par les mains et non par le sang, Que ma Palestine soit libérée du joug des oppresseurs de l’ombre, Que l’espoir soit à son comble, Que les lambeaux de la nuit enjoignent De résister au courroux d’Israël, Que la paix dans la justice règne, Que nos jours soient toujours plus lumineux Malgré les lendemains incertains, Qu'on en finisse avec les décisions arbitraires, illégitimes et illégales de cet état d’apartheid, Que les colonies, cauchemar de l’occupation, disparaissent, Que nos enfants prennent sans crainte le chemin de l’école, Que les étoiles remplacent dans notre ciel L'essaim des avions militaires, Que les rayons du soleil fassent chatoyer nos collines Que le monde se réveille, Que les crimes banalisés de l’occupant ne restent pas impunis, Que le blocus immonde infligé à Gaza soit levé, Que la violence au quotidien prenne fin, Que s'effacent les larmes de nos mères, Que cesse la douleur de mon peuple, Que le mur de la honte disparaisse, Que les grandes puissances cessent de cautionner l’impunité de cet état illégal, Que soient bannis des mots comme : Occupation, guerre, colonisation et violence, Que la douce colombe de paix, un rameau d’olivier palestinien dans le bec Se pose doucement sur l’épaule de notre mère Palestine enfin libérée, Que la lumière de la paix brille sur notre pays, Que justice soit faite, Que nos enfants grandissent dans la paix! Alors, oui, je rêve d’écrire le poème de la victoire Mais surtout je rêve De pouvoir témoigner de la vie et non de la mort. Ziad Medoukh, Palestinien, est responsable du département de français à l'université Al Aqsa et coordinateur du Centre de la Paix de Gaza. |
Copyright Ziad Medoukh, Gaza, 2014